Le seul besoin d'une assistance d'une tierce personne justifie une indemnisation

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 avril 2023, 22-14.376, Inédit

L'arrêt présente un double intérêt. 

D'une part, il concerne la méthode d'évaluation de la perte de chance. 

D'autre part, il concerne l'appréciation de l'assistance d'une tierce personne.

Le 22 octobre 2009, un médecin ophtalmologiste, a opéré une patiente d'une cataracte d'un oeil et pratiqué un pelage complémentaire de la membrane épirétinnienne.

 

Au cours de l'intervention, une déchirure de la rétine est survenue, ayant nécessité un traitement et de nouvelles interventions à la suite d'un décollement de la rétine.


Le 8 juillet 2015, à l'issue de la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation ayant ordonné une expertise, d'un échec de la procédure de règlement amiable et d'une nouvelle expertise obtenue en référé, la patiente a assigné en responsabilité et indemnisation le médecin et son assureur, la société MACSF ainsi que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

 

  1. Méthode d’évaluation de la perte de chance d’éviter le geste chirurgical complémentaire

 

Le juge doit évaluer l’opportunité de mise en œuvre de l’acte chirurgical dommageable au stade où il a été réalisé mais également ultérieurement

 

La Cour a jugé que les manquements du médecin ont entraîné une perte de chance d'éviter le pelage complémentaire de la rétine, évaluée à 80 % de son préjudice total et condamné in solidum le docteur et son assureur la société MACSF à lui payer la seule somme de 66 595,03 euros en réparation de son préjudice corporel.

 

La patiente est opérée de la cataracte.

 

A l’occasion de cette opération le chirurgien va diligenter un pelage de la rétine.

 

Cet acte est à l’origine des dommages subis par la victime.

 

Les experts vont considérer que cet acte était inutile lors de l’opération.

 

La patiente va donc considérer qu’elle devait faire l’objet d’une indemnisation intégrale et non pas d’une simple perte de chance.

 

La Cour n’abonde pas en ce sens.

 

En effet, les experts intervenus ont considéré que si le pelage était inutile au stade de l’opération de la cataracte, il était parfaitement possible que cet acte soit rendu nécessaire ultérieurement en fonction du résultat visuel imprévisible par définition.

 

Eu égard à cette éventualité, le geste certes inutile ne pouvait être à l’origine d’une indemnisation intégrale du préjudice.

 

 

Le juge doit examiner l’utilité du geste à l’origine du dommage au moment où il est pratiqué mais également se positionner à une date ultérieure.

 

La seule possibilité de mise en œuvre de l’acte chirurgical ultérieurement à celui-ci caractérise, une perte de chance.

 

 

  1. L'assistance d'une tierce personne justifie une indemnisation

 

La patiente reproche à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de l'assistance d'une tierce personne alors « que les juges ne peuvent pas refuser d'évaluer un préjudice dont ils constatent l'existence ; que la cour d'appel a constaté que l'impossibilité pour Mme [H] de conduire imposait une indemnisation ; qu'en refusant de l'évaluer faute, selon elle, d'éléments suffisants, elle a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. »

 

Le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe.

 

La Cour ne pouvait pas valablement refuser de retenir ce poste de préjudice alors que la patiente mettait en évidence qu’elle ne pouvait plus conduire de véhicule.

 

Cet empêchement avait vocation à être pallié par une aide extérieure.

 

La patiente n’a pas à justifier son usage des déplacements en voiture ni la nécessité compte tenu de l'emplacement de son domicile ou de sa vie sociale.

 

Ces circonstances sont sans incidence sur l’évaluation du poste de préjudice.

 

En somme il appartient aux juges d’apprécier l’étendue du préjudice dès lors qu’il constate la simple nécessité d’avoir recours à une tierce personne.

 

L’appréciation restrictive du poste de préjudice est sanctionnée.

 

Cet arrêt s’inscrit dans une logique d’extension du droit d’indemnisation des victimes conforme au principe de réparation intégrale des dommages en droit français.

 

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