Partage de responsabilité: ONIAM et CHU en présence d'une faute

Sur le caractère fautif de l'administrationnon indiquée par un CHU  d'un médicament en dépit de l'absence de preuve de sa nocivité.

Conseil d'État, 5ème chambre, 27/04/2023, 460136, Inédit au recueil Lebon

Mme A... C... a accouché le 16 mai 2009, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, d'une petite fille prénommée B..., née prématurément à trente-et-une semaines d'aménorrhée.

L'enfant a été hospitalisée en néonatologie, placée sous antibiothérapie probabiliste en raison du caractère inexpliqué de sa prématurité et de la Ranitidine lui a été administrée du 17 au 29 mai.

Le 1er juin 2009, l'enfant, en état de choc sévère, a été transférée en réanimation et placée sous ventilation mécanique, en raison d'une entérocolite ulcéro-nécrosante de grade IV

L'enfant, handicapée à 80 %, reste atteinte de séquelle neurologiques graves.

Dans cette affaire, les représentants légaux de leur enfant ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe une condamnation.

 

Les parents de l’enfants recherchaient la responsabilité du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre pour faute et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer, respectivement, 80% et 20% de leur dommage.

 

Le Tribunal administratif de la Guadeloupe (jugement n° 1800279 du 19 février 2019) limitera la condamnation du CHU de Pointe-à-Pitre à la somme de 2 500 euros.

 

La cour administrative d'appel de Bordeaux (arrêt n° 19BX01621 du 4 novembre 2021) a rejeté leur requête tendant à la réformation du jugement du 19 février 2019.

 

Le Conseil d’état réforme la décision de la Cour.

 

A La faute du Centre Hospitalier

 

 

  1. Faute dans le choix de l’alimentation de l’enfant

 

Le Conseil d’Etat va relever une faute dans le choix de l'alimentation de l'enfant.

 

Dès sa naissance, la jeune B... a été nourrie au lait artificiel.

 

Si Mme C... avait proposé de nourrir sa fille au lait maternel, celui-ci devait préalablement être testé afin de s'assurer de l'absence de cytomégalovirus, présent dans 80% des laits maternels aux Antilles, et pasteurisé.

 

Les analyses du lait de Mme C... ont été effectuées le 26 mai, soit treize jours après la naissance de l'enfant, et les résultats sont revenus négatifs au test du cytomégalovirus trois jours plus tard.

 

Le CHU aurait du diligenter des analyses plus tôt.

 

Le Centre a commis une faute en attendant treize jours après la naissance de l'enfant, qui souffrait de troubles digestifs importants, pour faire procéder à l'analyse du lait maternel.

 

Deux rapports d'expertise mettaient en évidence que le lait maternel a un effet protecteur supérieur contre l'entérocolite.

 

La Cour ne pouvait limiter sa décision en constatant seulement l'absence, non-fautive, de lactarium au sein du CHU de Pointe-à-Pitre.

 

La Ranitidine, antihistaminique qui inhibe la production d'acide gastrique, a été administrée à la petite B..., du 17 au 29 mai 2009, à l'occasion de sa prise en charge dans le service de soins intensifs.

 

 

  1. La prescription de Ranitidine n’est pas indiquée

 

La dangerosité de ce médicament pour les nouveau-nés prématurés n'était pas établie au moment de la naissance de la petite B...

 

La nocivité de ce médicament était mal connue à l'époque des faits.

 

Toutefois, l'administration de Ranitidine n'était en tout état de cause pas indiquée, même au regard des connaissances de l'époque :

 

  • la seule présence de sang rouge dans les résidus gastriques et les selles dans les deux jours suivants la naissance, après un accouchement hémorragique.

 

Le Centre aurait du diligenter une analyse de l'hémoglobine et non prescrire ce médicament.

 

Par suite, la prescription fautive de Ranitidine constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre.

 


  1. L'entérocolite ulcéro-nécrosante est imputable à la prescription de Ranitidine.

 

D’une part, le recours à ce médicament est un facteur favorisant de l'entérocolite et de l'émergence d'un germe pathogène type colibacille.

 

D’autre part, la mortalité est six fois supérieure chez les nouveau-nés prématurés exposés à la Ranitidine.

 

 

  1. La responsabilité au titre de la solidarité nationale

 

L’analyse de la Cour administrative laquelle a conduit à exclure toute indemnisation au titre de la solidarité nationale doit être censurée.

 

L’accident médical non fautif est constitué par la seule preuve de la survenance de préjudices imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ayant eu des conséquences anormales au regard anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité.


L’indemnisation au titre de la solidarité nationale au titre de la perte de chance de se soustraire au dommage doit intervenir en l’état des constats suivants :

 

  • l'absence de faute du centre hospitalier dans la prescription de Ranitidine,

 

  • l'administration au nouveau-né de ce médicament a sensiblement majoré le risque pour celui-ci de développer une entérocolite ulcéro-nécrosante.

 

Les demandeurs au pourvoi étaient bien fondés à demander une annulation de l’arrêt attaqué.

 

L’arrêt est une nouvelle fois l’occasion de rappeler qu’en dépit du principe de subsidiarité de la responsabilité de l’établissement de soins, lorsque les critères relatifs à la prise en charge des dommages par l’ONIAM (La solidarité nationale) sont remplis, un partage de responsabilité peut intervenir si la preuve de la survenance d’une faute par l’établissement de soins est rapportée.

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